Alors que la crise sanitaire du Covid-19 semble passer lentement sa phase la plus critique, les dirigeants européens et les ministres des finances se concentrent de plus en plus sur la question de savoir comment financer la crise et relancer les économies de la zone euro et de l’Union européenne une fois la tempête passée. Plus de détails sur le sujet avec Boris Lefebvre.
Qu’a fait l’Europe à ce jour ?
Malgré quelques hésitations initiales, la Banque centrale européenne (BCE) a finalement pris les commandes pour proposer des scénarios de sortie de la crise financière due au Covid-19. Néanmoins, un désaccord est apparu sur les instruments les plus appropriés pour faire face à la reprise économique post-crise. Certains pays poussent en faveur de l’émission de ce que l’on appelle des « corona-bonds » (ou euro-obligations), une euro-obligation proposée qui fournirait des liquidités aux pays dont les économies ont le plus besoin d’un soutien post-pandémique, tout en mutualisant les risques entre tous les membres de la zone euro.
Sous la direction de Christine Lagarde, la BCE a adopté une politique « sans limites », s’appuyant sur la politique du « quoi qu’il en coûte » de son prédécesseur, Mario Draghi. Cette fois, la BCE a mis en place un nouveau programme d’achat d’urgence en cas de pandémie (PEPP) de 750 milliards d’euros, qui lui permet d’acheter des quantités massives de titres des secteurs privé et public afin de garantir que les coûts d’emprunt des pays les plus faibles restent bas et stables. La Commission européenne a également déclenché la « clause de sauvegarde générale » du traité européen, qui permet aux gouvernements individuels d’augmenter les dépenses d’urgence sans tenir compte des limites imposées par le pacte de stabilité et de croissance. Mais ces initiatives, bien que cruciales, permettent effectivement aux pays d’emprunter et de dépenser davantage par eux-mêmes, ce qui risque d’alourdir le fardeau de la dette de chaque pays, sans offrir d’option durable pour la reprise à long terme.
Quid des « corona-bonds » ?
Covid-19 est apparu pour la première fois en Europe en Italie, où il a ravagé le nord du pays avant qu’ils n’atteignent d’autres zones du continent. Cependant, son impact économique à travers l’Europe a été asymétrique, affectant certains pays, comme l’Italie et l’Espagne, plus durement que d’autres en termes de pertes humaines et économiques.
Parce qu’une pandémie représente un « choc exogène » classique, dont aucun pays européen ne peut être légitimement tenu pour responsable, la crise a semblé à beaucoup l’occasion idéale de faire renaître l’idée d’une « euro-obligation » : un moyen par lequel les pays de la zone euro dont le fardeau de la dette est plus lourd et les coûts d’emprunt plus élevés bénéficieraient de la puissance d’emprunt de l’ensemble du groupe.
La position française
La proposition de « corona-bonds » continue d’être rejetée par suffisamment de pays pour que ses perspectives paraissent faibles. Pourtant, le concept de partage des risques n’est pas entièrement abandonné. L’Eurogroupe a provisoirement recommandé l’examen d’un « Fonds de relance » de conception française qui pourrait apporter un soutien financier important à la future reprise économique des Etats membres les plus touchés, d’une taille proportionnée aux coûts extraordinaires de la crise actuelle. Cependant, la question cruciale de savoir comment structurer et financer ce fonds de relance reste ouverte. Le capital initial du Fonds de relance pourrait être financé par le budget de l’UE, un processus qui a lieu tous les sept ans et qui devrait être approuvé dans le courant de l’année. Mais il ne s’agirait que du capital initial, l’intention étant qu’il puisse être utilisé par l’UE elle-même en empruntant sur les marchés des capitaux avec la garantie implicite de tous les Etats membres. Il s’agirait en fait d’une « obligation européenne » (émise par l’UE elle-même), et non d’une « euro-obligation » (qui nécessiterait la garantie explicite de chaque Etat membre).