Collectionner l’art par passion et non pour l’argent

la passion de l art devenir collectionneur

Si l’on vous dit « collection », vous pensez tout de suite à une liste infinie d’objets plus ou moins bien rangés, n’est-ce pas ? Pourtant, derrière ce mot se cache une tradition millénaire, un art de vivre, et surtout, une passion ! Collectionner, ce n’est pas accumuler pour montrer sa richesse ou espérer un jackpot futur. Non, c’est une quête, presque une obsession, où la beauté et le plaisir de découvrir priment. Décryptage !

Une pratique ancestrale

Vous ne le saviez peut-être pas, mais rassembler des objets précieux, c’est une habitude aussi vieille que l’humanité. Dès la protohistoire, on enterrait les morts avec des armes, des statuettes ou des vases sophistiqués. Ces premiers « trésors » n’étaient pas des collections à proprement parler, mais ils témoignent d’un attachement aux objets d’art. Plus tard, les temples antiques deviendront des lieux où s’amassent des offrandes d’une valeur inestimable. Ces artefacts, offerts aux dieux, étaient souvent exposés pour impressionner les fidèles.

C’est d’ailleurs à ces temples que nous devons le mot « musée ». Dédiés à la transmission et à la contemplation, ces espaces sacrés posaient les bases de ce que nous connaissons aujourd’hui. Quant aux trésors des églises médiévales, composés d’objets d’orfèvrerie ou de broderies, ils participaient aussi à cette tradition d’accumulation collective. Et les collections privées dans tout ça ? Elles arrivent bien plus tard… En Asie, l’empire chinois initie cette tradition dès le IIIe siècle avant notre ère. En Occident, il faut attendre les Romains, qui ramenaient des trésors de guerre pour orner leurs villas, des collections davantage basées sur la démonstration de puissance que sur le plaisir, mais qui marquent néanmoins une étape clé dans l’histoire de la collection d’art.

Le tournant de la Renaissance

La Renaissance, voilà le moment où collectionner devient un art en soi. Les élites européennes, influencées par l’humanisme, se passionnent pour les antiquités. Statues romaines, médailles, pierres gravées… tout ce qui rappelle la grandeur de l’Antiquité est recherché. Les collectionneurs de l’époque ne sont plus seulement des princes ou des militaires, ce sont des hommes de culture, des mécènes, animés par une quête esthétique et intellectuelle.

C’est à cette période que la notion moderne de collection prend forme, car on ne conserve plus ces objets uniquement pour leur valeur matérielle, mais pour ce qu’ils représentent : l’héritage d’une civilisation, l’expression d’un génie artistique. Les collections commencent à être organisées, exposées dans des galeries privées où seuls les invités triés sur le volet peuvent les admirer.

L’émergence du marché de l’art

La naissance du marché de l’art est actée au XVIIe siècle, d’abord à Amsterdam, puis à Londres et Paris, où les transactions autour des œuvres d’art se multiplient. Peintures, sculptures, antiquités… tout devient monnayable. Et avec ce commerce naît une nouvelle figure, celle du connaisseur. Mais qui est-il ? Pour dire les choses simplement, il s’agit d’un collectionneur éclairé qui, au-delà de l’achat d’œuvres, s’attelle à les évaluer, les attribuer à des écoles ou des artistes et les protéger. Sa quête est double : il cherche à satisfaire son goût personnel tout en affirmant son érudition. A cette époque, collectionner devient un acte intellectuel, une façon de se positionner dans une société en pleine mutation.

Cela dit, la commercialisation de l’art apporte aussi son lot de dérives. En effet, certains commencent à acheter non par passion, mais pour spéculer. La tendance ne fera que s’accentuer au fil du temps, mais elle n’arrivera jamais à effacer la figure du vrai collectionneur, celui qui achète pour le plaisir et non pour le profit.

Qui sont ces collectionneurs passionnés ?

Le collectionneur d’art est un personnage fascinant, presque insaisissable. Krzysztof Pomian, historien de l’art, le décrit comme un individu qui projette une partie de lui-même dans ses acquisitions. Une collection devient alors une sorte d’autoportrait, révélant ses goûts, ses aspirations, et même ses fragilités.

Pierre Cabanne, lui, distingue deux types de collectionneurs : ceux qui accumulent pour leur prestige et ceux qui chassent l’objet rare, presque comme un trophée. Le premier type, selon lui, se limite souvent à acheter des noms rassurants, des artistes déjà reconnus. Le second, en revanche, est un véritable explorateur, toujours en quête de pièces uniques qui reflètent son univers intérieur.

Mais pourquoi collectionner ? Pour certains, c’est une manière de toucher au sublime. Charles Pépin parle d’une émotion esthétique unique, un mélange de plaisir et de sérénité qui traverse l’amateur d’art lorsqu’il contemple une œuvre. Pour d’autres, c’est le frisson de la chasse qui compte. Trouver une pièce rare, unique, c’est une victoire personnelle. Enfin, il y a la reconnaissance sociale : posséder une belle collection, c’est aussi afficher son goût, son raffinement, et, dans certains cas, sa richesse.

galeries et musees pour les passionnes

Marc Ladreit de Lacharrière, ou quand collectionner devient un dialogue entre les cultures

Dans le monde feutré de la collection d’art, il faut bien avouer que Marc Ladreit de Lacharrière incarne la quintessence de la passion désintéressée. Président d’honneur du Parcours des Mondes, il est bien plus qu’un simple mécène ou un amateur éclairé. Pour lui, l’art est un langage universel, une passerelle entre les époques et les continents, et surtout, un outil essentiel pour favoriser le dialogue des cultures. C’est cette conviction qui l’a poussé à placer sa collection au service du public et de la transmission culturelle.

Un musée à ciel ouvert au cœur de Paris

Chaque année, le Parcours des Mondes, organisé dans le mythique quartier de Saint-Germain-des-Prés, attire des milliers de visiteurs. Cet événement est un véritable carrefour d’échanges, où experts et amateurs curieux se croisent pour admirer des œuvres venues des quatre coins du globe : Afrique, Océanie, Asie ou encore Amérique précolombienne. En 2023, pas moins de 10 000 passionnés ont foulé les pavés de ce musée à ciel ouvert.

Ce succès, Marc Ladreit de Lacharrière l’attribue à l’accessibilité et à la diversité de l’événement. « Ouvrir gratuitement un tel rassemblement dans un quartier chargé d’histoire, c’est rendre hommage à Paris, ville de culture et de transmission », explique-t-il. Une philosophie qui reflète son engagement profond envers la démocratisation de l’art, où le partage prime sur la possession.

Une vocation née dans les galeries du Louvre

Pour Marc Ladreit de Lacharrière, tout commence dans les couloirs du Louvre, guidé par une mère passionnée d’art. Il se souvient avec émotion de sa première rencontre avec « Le Fifre » de Manet, une œuvre qui lui a laissé une empreinte indélébile. Cet éveil précoce à l’esthétique le conduira bien plus tard à collectionner des œuvres d’arts premiers, fascinantes par leur caractère brut et leur puissance symbolique.

Mais l’homme ne s’arrête pas aux classiques européens pour autant… Inspiré par des géants comme Picasso et Cézanne, qui eux-mêmes s’étaient nourris des formes africaines, il se tourne vers l’art extra-européen, une exploration qui le libère des codes traditionnels pour l’emmener vers une compréhension plus intuitive et sensible des objets qu’il collectionne.

Une collection vivante et accessible

Contrairement à certains collectionneurs qui laissent leurs trésors dormir dans des réserves, Marc Ladreit de Lacharrière fait vivre ses acquisitions. A travers des donations importantes, notamment au musée du quai Branly, il s’assure que ces œuvres continuent de raconter leurs histoires. Sa galerie au sein du musée, conçue par Jean Nouvel, en est le témoignage vivant.

Et que dire de son attachement à ses œuvres ? Elles l’accompagnent partout : à la maison, au bureau, et parfois même en déplacement. Il revendique une approche presque intime de la collection, loin de toute spéculation. « Je n’ai jamais revendu une seule pièce », affirme-t-il avec fierté. Car pour lui, l’art n’a de sens que dans le partage et la contemplation.

Un héritage à double sens

Marc Ladreit de Lacharrière n’a pas seulement enrichi sa propre vie en collectionnant ; il a aussi enrichi le patrimoine collectif. Son dialogue avec Jacques Chirac, grand admirateur des arts premiers, l’a conforté dans l’idée que ces œuvres sont bien plus que des objets décoratifs : elles sont des ponts entre les civilisations, des messagers entre les générations.

Cet héritage, il le considère comme une responsabilité. En doublant son soutien au musée du quai Branly, il espère multiplier les expositions temporaires pour que toujours plus de visiteurs puissent s’émerveiller. Parce qu’au fond, collectionner l’art, c’est aussi raconter une histoire, celle d’un monde riche de sa diversité.

L’art, un trésor à préserver

Face à la spéculation qui gangrène parfois le marché de l’art, il est essentiel de rappeler que collectionner, c’est avant tout une affaire de passion. Les vrais collectionneurs, ceux qui vivent avec leurs œuvres, qui les admirent au quotidien, nous rappellent que l’art est bien plus qu’un placement financier.

Alors, si vous souhaitez commencer une collection, oubliez la logique du profit. Laissez-vous guider par vos émotions, par ce frisson unique que procure une belle œuvre. Parce qu’au fond, collectionner l’art, c’est célébrer la beauté, s’émerveiller, et, surtout, partager cette passion avec le monde !

Laisser un commentaire