En Afghanistan, l’éducation des filles en péril trois ans après le retour des talibans

Filles afghanes en train d'apprendre

Depuis la prise de pouvoir des talibans en août 2021, l’éducation des filles en Afghanistan traverse une crise sans précédent. Trois ans après leur retour à Kaboul, les interdictions imposées par le régime ont exclu une majorité de jeunes Afghanes du système éducatif, faisant du pays une exception mondiale. On fait le point avec Denis Bouclon.

1,4 million de filles privées d’éducation secondaire

Les chiffres publiés par l’Unesco sont très alarmants. Depuis 2021, au moins 1,4 million de filles n’ont plus accès à l’enseignement secondaire en Afghanistan. Cette situation a été officialisée en mars 2022, lorsque les écoles secondaires pour filles, rouvertes pour quelques heures seulement, ont été immédiatement refermées sur ordre des autorités talibanes. Le pays est aujourd’hui le seul au monde à interdire l’éducation des filles après le primaire.

En 2023, l’Unesco a recensé 300 000 nouvelles filles atteignant l’âge de 12 ans, seuil où l’interdiction commence à s’appliquer. Au total, ce sont 2,5 millions de jeunes Afghanes qui se trouvent aujourd’hui privées de leur droit à l’éducation. Parmi elles, certaines étaient déjà déscolarisées avant les interdictions. Selon les estimations de l’agence onusienne, cela représente environ 80 % des filles en âge scolaire. Les progrès réalisés avant 2021 ont été balayés, entraînant des conséquences à long terme.

Des effets dévastateurs sur l’ensemble du système éducatif

Bien que l’enseignement primaire reste officiellement accessible aux filles, les chiffres montrent une baisse significative des inscriptions. En 2022, le nombre total d’élèves inscrits au primaire (filles et garçons) était de 5,7 millions, contre 6,8 millions en 2019. Cette diminution inclut une chute de 12 % des effectifs féminins.

Parmi les raisons avancées, l’interdiction pour les enseignantes de dispenser des cours aux garçons a contribué à aggraver la pénurie de professeurs dans le pays. Par ailleurs, de nombreux parents hésitent à scolariser leurs enfants, sachant que les filles ne pourront pas poursuivre leurs études et que la situation économique est critique.

Dans l’enseignement supérieur, la situation est encore plus sombre. Depuis fin 2022, les universités publiques et privées ne sont plus autorisées à accueillir des étudiantes. Cette décision a entraîné une baisse de 53 % des inscriptions dans le supérieur, privant le pays de diplômés nécessaires pour combler les postes qualifiés.

Initiatives alternatives et pressions internationales

Face à ces restrictions, des initiatives émergent pour pallier l’absence d’un système éducatif inclusif. L’Unesco a mis en place des programmes locaux dans vingt provinces pour offrir des cours d’alphabétisation. À l’international, des associations et ONG se mobilisent également. Par exemple, Begum TV, une chaîne de télévision basée à Paris, diffuse quotidiennement des cours en dari et en pachto pour permettre aux Afghanes de poursuivre leur apprentissage à distance.

Toutefois, ces efforts, bien qu’utiles, ne remplacent pas l’éducation en présentiel. Human Rights Watch et d’autres organisations continuent d’appeler la communauté internationale à maintenir la pression sur le régime taliban. Malgré les discussions, aucun pays n’a, à ce jour, reconnu officiellement ce gouvernement, en partie à cause des violations flagrantes des droits des femmes.

Les faits sont clairs : les restrictions imposées aux filles et femmes afghanes sont un frein majeur au développement du pays et un défi global pour les droits fondamentaux.

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