Pollution sous-marine : épaves, munitions… sous la mer, les débris ont la peau dure !

Pollution sous-marine

Difficile de l’imaginer au bord de nos plages, mais sous les eaux calmes (et parfois cristallines) de nos océans, se cachent des dangers insoupçonnés. Des épaves de navires et d’autres déchets datant de plusieurs décennies, voire des siècles, reposent toujours au fond des mers, menaçant l’environnement marin et la santé humaine. Alors certes, on intervient ponctuellement dans le cadre d’opérations de dépollution, mais le danger est bien là, et persiste comme jamais. Décryptage !

Entre héritage toxique des épaves et vestiges des guerres mondiales

Plus de 40 ans après s’être brisé en deux près de l’île bretonne de Batz, Tanio continue de fuir ! Échoué le 7 mars 1980, le pétrolier battant pavillon malgache libérait 26 000 tonnes de fioul lourd qui, malgré des efforts considérables pour récupérer le pétrole et colmater les brèches, n’ont pu être totalement absorbés. On le sait tous, plusieurs incidents similaires se sont produits avec d’autres navires, notamment le Silja, l’Ievoli Sun, le Grande America et le Foucault, qui ont tous laissé des traces durables de pollution.

Et puis il ne faut pas perdre de vue les deux guerres mondiales… Bilan : près de 2 500 navires coulés, à en croire Michel L’Hour, directeur du Drassm (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines). Des navires qui contiennent non seulement du carburant, mais aussi des munitions, des obus et d’autres matériaux dangereux. Et c’est sans compter les avions et les tanks, qui croupissent toujours au fond des mers.

Pour quelles conséquences environnementales ?

On pourrait être tenté de penser que les épaves ne sont rien de plus que des structures inactives languissant au fond de la mer. Rien ne saurait être plus faux… Vous ne le saviez peut-être pas, mais elles peuvent libérer des substances toxiques qui nuisent à l’écosystème marin, comme l’explique Charlotte Nithart, porte-parole de l’association Robin des Bois : « Certaines contiennent des combustibles ou des cargaisons potentiellement polluantes qui peuvent se libérer au fur et à mesure de la dégradation de l’épave. Le bateau en lui-même peut être équipé d’appareils électriques, batteries, amiante, peintures et linoléums toxiques ». Il faut garder à l’esprit que ces substances peuvent contaminer les poissons qui, à leur tour, vont contaminer la chaîne alimentaire humaine.

Que faire donc ? Car, vous l’aurez compris, il y a urgence. Or, malgré la gravité de la situation, il n’existe actuellement aucun inventaire complet des épaves potentiellement dangereuses dans les eaux françaises. Et bien que des organisations comme l’Ifremer et le Cedre travaillent activement sur le sujet, les efforts consentis restent largement fragmentés. De son côté, la Marine nationale, chargée de surveiller les épaves, dispose de ressources limitées. Petite lueur d’espoir : la convention internationale de Nairobi, entrée en vigueur en 2016, oblige les propriétaires d’épaves à les récupérer et à les traiter à leurs frais, mais cette obligation ne s’applique qu’aux naufrages futurs…

Notons quand même au passage que des inventeurs connus comme Jean Jacques Topalian s’évertuent à trouver des solutions pour dépolluer les fonds marins à l’aide de robots par exemple. Sa société Sfynx Industry entend d’ailleurs se spécialiser là-dedans.

Et les bateaux poubelles dans tout ça ?

Aujourd’hui, outre les « vestiges » des guerres mondiales, l’abysse accueille également des cargos, pétroliers et chimiquiers naufragés, témoins d’une négligence inquiétante. « C’est la problématique des bateaux pourris qu’on laisse naviguer sur les mers », s’indigne Jean-Paul Hennequin. Grâce à son association Mor Glaz, ce dernier a réussi l’exploit de retirer de la circulation de nombreux navires pour les envoyer en déconstruction. Une négligence d’autant plus inquiétante qu’il n’y a pas de vide juridique à déplorer…

En effet, les lois abondent en ce sens de l’obligation de contrôles portuaires pour garantir la conformité des navires, à la responsabilité de l’armateur en cas de pollution, sans oublier le renforcement de la surveillance du trafic maritime pour minimiser les collisions. Cela dit, les contraintes économiques, par leur poids écrasant, relèguent souvent ces lois au second plan. « Si l’on ne veut pas continuer à rester spectateurs de ces désastres, il faut réfléchir à des techniques en amont », martèle Jean-Paul Hennequin. A ce titre, il souligne l’initiative du « système FOR », conçu par l’entreprise française JLMD Ecologic groupe. Il s’agit là d’un système novateur qui, dès la construction du navire, prévoit un réseau de tuyaux et de vannes pour faciliter la récupération des carburants en cas de naufrage. Une solution à laquelle certains armateurs commencent déjà à adhérer.

La titanesque mission de déminage sous-marin

Chaque jour, la Marine nationale s’attelle à surveiller les épaves, avec ses moyens : « Des moyens satellitaires, aériens, nautiques et terrestres sont utilisés », détaille Eric Lavault, son porte-parole, avant de poursuivre : « Les sémaphores surveillent les épaves visibles des côtes et signalent toute irisation suspecte ». Mais face à l’ampleur de la tâche (le nombre d’épaves souvent mal localisées et les ressources limitées), l’action de la Marine se limite essentiellement à répondre aux pollutions manifestement visibles. C’est ici qu’intervient le centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (Ceppol), l’unité qui a notamment colmaté l’épave du Peter Sif ou pompé 22 tonnes de mazout de la frégate Laplace en 2009. « Nos équipes interviennent régulièrement », ajoute le porte-parole. Une fois sur site, des plongeurs ou robots évaluent la situation à l’aide de caméras avant d’agir concrètement, que ce soit par pompage, colmatage, ou consolidation.

Parallèlement à cette surveillance, une brigade spécialisée d’environ 130 plongeurs démineurs se consacre à la détection et la neutralisation de munitions immergées, jusqu’à une profondeur de 80 mètres. Éric Lavault souligne l’ampleur de cette mission : « On neutralise en moyenne 2000 engins explosifs chaque année, soit quasiment 40 par semaine ». Bien que controversée, la technique du contreminage, qui consiste à neutraliser une mine en utilisant d’autres charges explosives, est toujours employée en dehors des zones protégées, toujours précédée de mesures pour éloigner la faune marine. Cela dit, face à cette montagne de munitions sous-marines, l’issue semble lointaine. « On a l’impression d’être engagés dans une quête sans fin », confie Lavault. « Les marées et tempêtes nous révèlent continuellement de nouvelles munitions. Le défi est colossal. Des décennies de recherche et de nettoyage nous attendent ».

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